Près d’une heure de route pour accoucher en allemand

Si le rapport sur les maternités du KCE devait être appliqué, le site d’Eupen fermerait, obligeant certains habitants de Communauté germanophone à rouler jusqu’à 56 minutes pour trouver une maternité où l’allemand est parlé par le personnel de soins. Un problème potentiel mis en exergue au Sénat par Véronique Durenne et Alexander Miesen.

Dix-sept. C’est le nombre de maternités qui pourraient fermer leurs portes si d’aventure le rapport réalisé par le Centre d’expertise pour les soins de santé (KCE) et rendu public le 16 janvier, était appliqué.

La philosophie du document du KCE ? Le trop grand nombre actuel de maternités engendre des coûts trop élevés. Il s’agirait donc que chaque site effectue au moins 557 accouchements par an. L’objectif est, par ailleurs, que toute femme puisse rallier une maternité en voiture en maximum 30 minutes.

Les levées de boucliers n’ont, sans surprise, pas tardé dans plusieurs coins du pays, qu’il s’agisse d’Auvelais, Soignies, Verviers…
Reste, comme l’ont tous les deux souligné (sans se concerter) la Sénatrice Véronique Durenne et son collègue Alexander Miesen, le rapport de la KCE ne tient pas compte de l’aspect linguistique en ce qui concerne la maternité d’Eupen.

Comme le relève Véronique Durenne dans une question écrite adressée à Maggie De Block, la ministre fédérale des Affaires sociales et de la Santé publique, supprimer le site d’Eupen obligerait les citoyens germanophones à se rendre à celui de Saint-Vith. « Or, cette maternité se trouve à 56 minutes en voiture de La Calamine (Kelmis), où l’allemand est également la langue officielle. »

Et Alexander Miesen de pointer une possible « discrimination linguistique à l’égard des femmes du Nord de la Communauté germanophone ».

La Sénatrice de Celles et le Sénateur de Büllingen ont donc interrogé la ministre sur la manière dont elle comptait procéder pour concrétiser cette réforme tout en s’assurant que les situations de terrain seraient adéquatement prises en compte.

La ministre leur a répondu le 25 mai… et le 31 août.

« Le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) a été sollicité pour formuler des recommandations sur l’organisation et la capacité des maternités en Belgique, quant à la taille, la répartition géographique et le nombre de lits. Ces recommandations sont le fruit d’une analyse de la littérature scientifique et de l’exploration des tendances internationales, où les économies d’échelle sont l’objectif (diminution du coût de l’accouchement, augmentation de l’efficacité). Afin d’étudier un lien entre la taille d’une maternité et l’efficience, une analyse de l’efficacité d’échelle a été réalisée par le KCE.

Aucune décision politique n’a encore été prise en ce qui concerne les maternités. Cette étude a été menée car il est extrêmement important que les futures réformes s’appuient sur des preuves scientifiques telles que des données fiables, des bonnes pratiques et de la littérature internationale, ainsi que sur l’apport d’experts et de parties prenantes. La contribution du terrain sera essentielle dans le contexte de la détermination de l’offre de soins de santé et de la coordination au sein des réseaux hospitaliers et entre eux.

Comme vous avez pu le lire dans l’étude du KCE, les soins spécifiques pour les grossesses à haut risque n’entraient pas dans le cadre de l’étude. Cette étude, ainsi que tous les aspects des soins pré-, péri- et postnatals, seront inclus afin de dresser une carte plus précise des maternités dans le paysage belge des soins de santé, en collaboration avec les experts et les parties prenantes.

Il est crucial à tout moment qu’une future réforme ne compromette ni la qualité ni l’accessibilité des soins et que les ressources publiques du secteur de la santé soient utilisées le plus efficacement possible. »

Quant à la seconde réponse, plus axée sur la situation en Communauté germanophone:

« Vous me posez des questions de fond sur un rapport du KCE que j’ai effectivement demandé. Le KCE a rédigé ce rapport selon une méthode strictement scientifique, en toute indépendance et objectivité. Les recommandations en matière de politique proviennent du KCE et je ne peux que vous indiquer comment je l’ai moi-même lu.

Le KCE recommande de retirer l’agrément des maternité réalisant moins de 557 accouchements par an, sauf si ceci avait pour conséquence qu’un nombre important de femmes âgées de quinze à quarante-neuf ans ne pourraient plus rejoindre une maternité dans un délai de trente minutes.

Il ressort des calculs du KCE que pour une partie des femmes appartenant à la catégorie d’âge concernée tant en ce qui concerne la maternité de Malmedy que celle de Saint-Vith, ces deux soient les seules maternités accessibles dans un délai de trente minutes (nous renvoyons à ce propos à la figure 5 de la synthèse du rapport du KCE 323).

C’est pour garantir l’accessibilité que le KCE recommande de maintenir ces deux maternités, malgré le fait qu’il y ait moins de 557 accouchements par an. Le temps de trajet entre les maternités n’est pas le critère de décision mais bien le temps de trajet entre le domicile de la patiente et la maternité. Pour une partie de la population qui peut atteindre la maternité de Malmedy dans les trente minutes, celle de Saint-Vith ne pourra pas être atteinte dans les trente minutes. »