Bien que la lutte contre la pollution atmosphérique ait déjà engrangé des résultats fructueux à ce jour, il n’en reste pas moins que la mauvaise qualité de l’air demeure un problème majeur de santé publique.

Le Sénat s’est saisi de la problématique de la pollution atmosphérique via un rapport d’information, qu’il aborde de manière à dégager essentiellement les conséquences de la mauvaise qualité de l’air sur la santé publique. Il se concentre sur les émissions de particules fines et insiste sur les compétences des Régions en matière de qualité de l’air. La Commission des compétences régionales examinera également deux facteurs majeurs de pollution de l’air: le transport et le chauffage domestique, et émettra in fine des recommandations à l’attention de toutes les autorités concernées.

Amélioration de la qualité de l’air en Belgique

Voici un constat qui, au premier abord, pourrait en réjouir plus d’un: à ce jour, la politique de lutte contre la pollution atmosphérique a donné lieu à des résultats relativement satisfaisants. Un rapport publié en novembre 2017 par la Société flamande pour l’environnement (VMM – Vlaamse Milieumaatschappij) montre en effet que, depuis l’année 2000, les rejets de polluants atmosphériques ont sensiblement diminué en Belgique.

Ainsi, la demande de rapport d’information mentionne notamment que les émissions de dioxines et de polychlorobiphényles (PCB)1 ont diminué respectivement de 64% et 98%. Par suite de la réglementation, les rejets d’hexachlorocyclohexane (HCH)2 ont entièrement disparu et les émissions de carbone élémentaire (CE) ont diminué de 43%. Les émissions de substances acidifiantes responsables de pluies acides ont diminué de 49%, et les émissions de substances appauvrissant la couche d’ozone de 86% depuis 2000.

Le résultat d’initiatives politiques

C’est là le résultat de nombreuses mesures prises au cours des deux dernières décennies, bien sûr aux niveaux fédéral, régional et local, mais aussi des initiatives citoyennes qui tentent de sensibiliser et conscientiser tant les autorités et que tout un chacun.

L’autorité fédérale a pris plusieurs initiatives pour promouvoir un changement de comportement des citoyens quant à l’utilisation de la voiture, notamment via le renforcement de l’offre ferroviaire par la SNCB et l’orientation vers une «fiscalité verte». Des efforts particuliers sont faits afin de permettre aux navetteurs de disposer d’alternatives à la voiture, tels que les transports en commun, les voitures électriques partagées et les vélos partagés. La mesure récente du «cash for car» adoptée par le gouvernement fédéral en février 2018 s’inscrit également dans une perspective de meilleure qualité de l’air.

Les nombreux acteurs dans le domaine de la pollution de l’air insistent sur le fait que la qualité de l’air devient de plus en plus un problème localisé. Dans ses dernières publications, l’Union européenne rappelle que les actions au niveau local sont les plus efficaces en matière de lutte contre les particules fines et les polluants. Les Régions disposent de larges compétences en la matière et transposent directement les directives européennes correspondantes.
Depuis 1994, les Régions collaborent activement dans les domaines de la surveillance des émissions et ont, à cet effet, conclu un accord de coopération et créé une Cellule interrégionale de l’Environnement (CELINE) qui coordonne la collecte de données et les analyses des organes régionaux en charge de la qualité de l’air.

Des avancées sont connues également en termes de rénovation des logements afin que les exigences en matières énergétiques soient progressivement alignées sur les normes plus strictes en vigueur pour les nouvelles constructions.

Effets néfastes sur la santé des citoyens

Une amélioration constante de la qualité de l’air (et une baisse des concentrations de polluants et de particules fines) est, certes, constatée en Europe et en Belgique. Mais il n’en reste pas moins que la piètre qualité de l’air cause toujours aujourd’hui de trop nombreuses morts prématurées.

La pollution atmosphérique demeure à ce jour le principal facteur environnemental responsable de certaines maladies évitables et d’une mortalité précoce, surtout parmi les groupes vulnérables comme les enfants et les personnes âgées.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 3.343 belges meurent chaque année des effets de la pollution de l’air. Pour ne citer qu’elles, des concentrations trop élevées de dioxyde d’azote (NO2) entraînent des problèmes respiratoires, des maladies pulmonaires ou le cancer.
Selon le cardiologue Jean-François Argacha (UZ Brussel), «les affections qui résultent de la pollution de l’air sont pour 40% pulmonaires et pour 60% cardiovasculaires. Des dégradations rapides de qualité de l’air s’avèrent avoir un impact direct sur la survenue d’infarctus».

Un lien direct est établi entre les 11.400 personnes qui ont eu un accident cardiaque en Belgique entre 2009 et 2013 et les données sur la pollution de l’air recueillies par la Cellule interrégionale de l’Environnement (CELINE).

Outre ces constats interpellant, les coûts externes liés à la santé résultant de la pollution atmosphérique en Belgique sont supérieurs à 8 milliards d’euros par an3 (revenus ajustés 2010), lesquels incluent non seulement la valeur intrinsèque d’une vie en bonne santé, mais aussi les coûts directs pour l’économie (jours de travail perdus chaque année en raison de maladies liées à la mauvaise qualité de l’air, coûts s’y rattachant pour les employeurs, pour les soins de santé et pour l’agriculture).

Conscientisation, information, sensibilisation

La lutte contre la pollution de l’air est avant tout collective. Cela passe nécessairement par une information du public: la pollution atmosphérique doit être mise en évidence, particulièrement auprès des citoyens qui habitent ou travaillent dans les zones à risque. Il faut leur rappeler qu’ils peuvent jouer un rôle dans l’amélioration de la qualité de l’air en adaptant leur comportement. Surtout, il faut les inciter à agir en conséquence.

«Le seuil d’information a pour objectif de sensibiliser la population et de diffuser des recommandations: ne pas utiliser de chauffage au bois, source importante de particules fines, et privilégier le vélo, la marche, les transports en commun, etc.», explique Philippe Maetz, collaborateur scientifique de CELINE.

Les énergies dites propres se révèlent parfois très polluantes; nombre de scientifiques rejettent ainsi la biomasse en raison de son besoin de transport et des effets de sa combustion.

La combustion du bois (y compris les pellets), par exemple, est un vrai problème en matière d’émission de particules fines, alors qu’on a trop souvent présenté le bois comme un matériau écologique. Une réelle prise de conscience doit se faire à ce sujet. Peu de gens le savent, mais 2 heures de feu ouvert (4kg de bois), 4 heures de poêle à bois (13kg de bois) ou 30 heures de poêle à pellets (40kg de pellets) équivalent à 1.100 kilomètres parcourus en voiture avec une voiture diesel, soit un trajet Bruxelles-Vienne. Une catastrophe écologique et des effets hautement nuisibles pour la santé.

De son côté, VITO, l’institut flamand pour la recherche technologique, insiste: «Un changement de comportement est plus productif qu’un changement de technologie. Cette dernière ne règle qu’un aspect d’un problème souvent global ».

Le Sénat se concentre sur la santé

C’est pourquoi le Sénat apparaît comme étant un forum idéal pour faire le point sur l’ensemble des données scientifiques, connaissances et problèmes identifiés en la matière ainsi que pour traduire les constatations en recommandations politiques. Le rapport d’information, dont le sénateur MR Gilles Mouyard est co-rapporteur, mettra l’accent sur les aspects qui concernent directement notre santé, comme les particules fines, les émissions d’oxyde d’azote, etc., ainsi que sur la part que représentent les ménages et le trafic routier dans ces émissions.

De nombreux médecins, experts scientifiques, associations citoyennes et institutions ont été et seront entendus afin de permettre au Sénat d’émettre ses recommandations. Pour sa part, le MR avait proposé d’auditionner plusieurs spécialistes, les responsables «Environnement » de la FEBIAC (Fédération belge de l’automobile) et des experts au niveau européen, alors que la Commission européenne vient de déposer une proposition de règlement et une proposition de directive sur les émissions de véhicules et le développement de véhicules propres.

  1. Produits chimiques organiques chlorés utilisés pour leur grande stabilité thermique et leurs caractéristiques électriques. Ils sont notamment employés comme : isolants électriques pour les transformateurs et les condensateurs (pyralène), fluides caloporteurs pour le transfert de calories dans des installations industrielles diverses. Après leur apparition dans les années 50, ces produits se sont avérés rapidement nocifs pour l’environnement et pour l’homme. (https://www.actu-environnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/polychlorobiphenyle_pcb.php4)
  2. Composé résultant de l’addition du chlore sur le benzène, utilisé comme insecticide de contact contre les poux et la gale
  3. Voy. Commission européenne, L’examen de la mise en œuvre de la politique environnementale de l’UE. Rapport par pays – Belgique (3 février 2017) http://www.iewonline.be/IMG/pdf/report_be_fr.pdf

Alexia Vercruysse