La désinformation au temps du Covid-19

De nombreux individus et groupements ont profité de la crise sanitaire pour répandre de fausses informations sur la Toile, notamment via les réseaux sociaux. Le sénateur Gaëtan Van Goidsenhoven s’est inquiété de cette problématique via une question écrite au ministre de l’Intérieur.

C’était le 21 avril dernier. A l’issue d’un travail collaboratif, la Sûreté de l’Etat et le Service général du renseignement et de la sécurité publiaient un rapport mettant en exergue le danger caché derrière la crise du Covid-19 concernant la sûreté de l’Etat. Était notamment ciblée, l’augmentation sensible des campagnes de désinformation sur l’Internet.

« Ce rapport indiquait que la crise liée au coronavirus a encouragé de nombreux groupements, étrangers ou non, à mettre en place des campagnes de désinformation dans le but d’opposer différents groupes de notre population pour, à terme, déstabiliser les milieux médicaux et de pouvoir, a relevé le Sénateur et chef de groupe MR Gaëtan Van Goidsenhoven. Le même phénomène avait également été mis en avant lors de plusieurs campagnes électorales à travers le monde. Il était indéniable que les incertitudes dues à la crise sanitaire avaient encouragé ces groupements à accroître leurs pratiques. »

Le document livre plusieurs illustrations de ce qu’il avance, pointant principalement des actions de mouvements d’extrême droite et d’autres d’extrême gauche. « Il peut être fait mention de l’appel du 8 avril 2020 du site web anarchiste de gauche Indymedia Bruxsel qui incitait à profiter de la crise pour s’attaquer violemment aux forces de police, aux forces pénitentiaires ainsi qu’aux organisations de télécommunication, note le Sénateur anderlechtois. Il semblerait donc que cette crise sanitaire ait permis d’observer une augmentation considérable de la menace émanant de ces extrêmes. »

Ce n’est pas tout puisque la propagande sur les réseaux sociaux est, elle aussi, en augmentation, qu’elle soit le fait d’individus isolés ou de groupes extrêmes, qu’ils soient belges ou non, martelant l’idée que la crise sanitaire actuelle serait liée à l’immigration et à la mondialisation.
Last but not least, les experts à l’origine du rapport ont également souligné la hausse inquiétante du nombre de campagnes de désinformation en provenance de l’étranger (surtout de la Russie).

De nombreux constats préoccupants qui ont poussé Gaëtan Van Goidsenhoven à formuler cinq interrogations à destination du ministre de la Sécurité et de l’Intérieur Pieter De Crem (CD&V) par le biais d’une question écrite :
1) Disposez-vous de statistiques relatives au nombre de campagnes de désinformation menées depuis le début de la crise du Covid-19?
2) La multiplication des campagnes de désinformation durant la crise sanitaire actuelle du Covid-19 a-t-elle permis d’identifier de nouvelles personnes dans les bases de données de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM)? L’organisme a-t-il remarqué une évolution des groupements extrêmes? Si oui, quelle est-elle?
3) Pouvez-vous me présenter les différentes mesures prises récemment afin de lutter contre les campagnes de désinformation durant la crise du Covid-19?
4) Quelles sont les pistes que vous souhaiteriez développer à l’avenir afin de réduire le risque des campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux en temps de crise?
5) Des actions particulières ont-elles été récemment menées contre des présupposées campagnes étrangères de désinformation? Si oui, lesquelles?
La réponse du ministre est attendue au plus tard le 9 juillet prochain.

A noter que le Sénat travaille déjà sur la thématique des fake news au travers d’un rapport d’information dont le Groupe MR a d’emblée pointé la pertinence.

La réponse du ministre n’a pas tardé.

« 1.
Au sein de la police fédérale, il existe la section i2-IRU de la direction centrale chargée de la lutte contre le Serious and Organized Crime (DJSOC) qui suit le phénomène des « fake news » Dans le cadre de la pandémie, i2-IRU a reçu comme instructions de se concentrer sur la détection de fake-news concernant principalement ou exclusivement le coronavirus et pouvant présenter un risque pour la santé publique.
449 sites ou messages de ce type sur des plateformes de médias sociaux ont été découverts (le 29/06/2020) et analysés et il a été demandé aux plateformes de les supprimer (sur base volontaire). 236 postes ont été supprimés.
2.
Les services constatent en effet une certaine virulence sur les médias sociaux de la part de toutes sortes de groupes ou personnes extrémistes ou terroristes. Ces groupes tentent de récupérer la crise de COVID-19 et/ou les mesures pour renforcer leur récit, discours et faire passer dans leur ‘camp’ d’éventuels sympathisants, autrement dit, les radicaliser. Les groupes extrémistes ou terroristes essaient ainsi d’exploiter le sentiment de peur, d’insécurité et de frustration des gens. Cependant, il serait trop simple de voir pour chacune de ces théories du complot, une dimension idéologique. Internet et les médias sociaux ont ceci de particulier que toutes sortes d’idées, de théories du complot et de fake news y circulent. Les personnes qui suivent ces tendances, n’ont souvent qu’une seule caractéristique commune au départ : une méfiance du ‘système’ profondément ancrée, qu’elle concerne le politique, la police, ou les médias traditionnels. Cependant, la crise de COVID-19 n’a pas d’emblée entraîné une augmentation du nombre d’enregistrements supplémentaires de personnes dans la BDC. L’impact de la crise du COVID-19 n’est toutefois pas complètement visible et doit être examinée sur le long terme. Cette situation est suivie de près par l’OCAM et tous les services de sécurité impliqués.
3.
La section i2-IRU, responsable de la recherche sur Internet, a reçu pour instruction de rechercher les fausses nouvelles (fake news), les informations qui présentent un danger pour la santé publique. Si un poste répondait aux critères de dangerosité, il était signalé aux services partenaires (SPF Santé publique, SPF Finances, SPF Économie, ..) et au Centre de Crise pour une analyse de risque.
Les messages ont été signalés au plateformes de médias sociaux afin qu’ils soient supprimés. Étant donné que les fake news n’ont pas de définition légale, ces messages sont supprimés sur une base volontaire et collaborative.
4.
Définir les fake news et y rattacher une base légale. Étant donné que les fake news ne sont pas légalement définies, il est impossible de poursuivre les émetteurs sans qu’il soit question d’une intention de nuire.
5.
Cette question parlementaire ne relève pas de mes compétences, mais de celles du Ministre de la Justice. »