Maintenir une sonnette d’alarme idéologique

Le Sénat étudiera prochainement la procédure de la sonnette d’alarme idéologique et philosophique par le biais d’un rapport d’information. Le Groupe MR soutient cette initiative avec deux principes : maintenir un mécanisme sans toutefois s’empêcher de le faire évoluer.

Flashback. 1970. La première réforme de l’Etat est mise en œuvre. S’y retrouve la volonté d’ancrer la protection des minorités idéologiques et philosophiques dans la législation. Cela se concrétisera de deux manières.

Tout d’abord en interdisant la discrimination quant à la jouissance des droits et libertés et en chargeant le législateur de garantir les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques (article 11 de la Constitution). Ensuite en chargeant le législateur d’arrêter les mesures en vue de prévenir toute discrimination pour des raisons idéologiques et philosophiques (article 131).

C’est une loi en exécution de cet article 131 qui instaurera in fine la procédure de la sonnette d’alarme idéologique et philosophique.
Comment fonctionne-t-elle ? En voici un petit résumé.

La procédure ne peut être lancée qu’au Parlement flamand ou au Parlement de la Communauté française (un dispositif distinct mais très similaire a été prévu pour le Parlement de la Communauté germanophone). Après le dépôt du rapport relatif à une proposition ou un projet de décret et avant le vote final en séance plénière, peut être introduite une motion motivée déclarant que les dispositions qu’elle désigne contiennent une discrimination pour des raisons idéologiques et philosophiques. Cette motion doit être signée par au moins un quart des membres du Parlement concerné.

Un collège puis le Parlement fédéral

L’étape suivante ? Un collège composé des présidents de la Chambre, du Sénat, du Parlement flamand et de celui de la Communauté française statue sur la recevabilité de la motion. Si le texte est recevable, la proposition ou le projet ainsi que la motion sont transmis à la Chambre et au Sénat.

Les deux assemblées étudient alors le bien-fondé de la motion, chacune de leur côté. Il suffit que l’une des deux déclare le texte fondé et la Parlement concerné doit abandonner définitivement l’examen des dispositions litigieuses.

Plus récemment, le 18 novembre 2019 pour être plus précis, une motion de déclaration d’une discrimination pour des raisons idéologiques et philosophiques a été déposée au Parlement flamand. La Chambre et le Sénat avaient par la suite été appelés à se prononcer sur le bien-fondé celle-ci.

Cela faisait un quart de siècle que la procédure de la sonnette d’alarme idéologique n’avait plus été activée. Il s’agissait par ailleurs de la cinquième fois qu’elle était utilisée depuis sa création, et la première qu’elle arrivait jusqu’à son terme.

Doutes sur la pertinence du mécanisme

C’est suite à ce dernier épisode que sont nées certaines réflexions sur la pertinence du mécanisme de la sonnette d’alarme idéologique (à lire in extenso par ici). Des questionnements qui ont abouti à la demande d’établissement d’un rapport d’information sur le sujet… qui a été acceptée par le Sénat lors de sa séance plénière du 19 novembre 2021.

C’est le chef de groupe Gaëtan Van Goidsenhoven qui s’est chargé de défendre la position du MR.

« Pour nous, le mécanisme de la loi de 1971 reste important…, a notamment expliqué le sénateur lors de sa prise de parole. La sonnette d’alarme idéologique a en effet vu le jour dans un contexte où il y avait une forte disparité philosophique entre le Nord et le Sud du pays. Pouvoir maintenir un équilibre constituait à l’époque un pilier de la société belge. »

Et Gaëtan Van Goidsenhoven de poursuivre en soulignant que la situation avait quelque peu évolué avec les années. « La Belgique de papa a fait place à un fédéralisme de coopération, où les Communautés et les Régions ont pris leur place, a-t-il signalé. Cette progression nous amène à nous poser la question de la relevance de la loi de 1971 et de son applicabilité dans le contexte de la Belgique, en particulier au vu de son fondement… »

Précisant qu’il ne fallait pas confondre cette sonnette d’alarme avec celle qui concerne les questions communautaires (et qui est prévue à l’article 54 de la Constitution), le Sénateur anderlechtois a conclu que « maintenir une sonnette d’alarme idéologique et philosophique reste essentiel dans notre pays. Face à l’évolution de notre société et de sa sociologie, elle fait partie des mécanismes qui visent à maintenir une certaine cohésion dans notre Etat fédéral. »

C’est pour ces raisons que le Groupe MR s’est dit ouvert à la réflexion afin de faire évoluer la procédure, histoire que celle-ci correspondent davantage au contexte institutionnel actuel.

La demande d’établissement d’un rapport d’information a finalement été approuvée avec une large majorité, à savoir 40 votes pour, 6 contre et aucune abstention. Le travail pourra donc être mené dans les prochains mois en commission.