Les dangers des débris spatiaux

Le Sénat a, lors de sa séance plénière pris en considération une proposition de résolution initiée par le MR et consacrée aux débris spatiaux. Un texte qui met en avant plusieurs moyens de lutter contre la prolifération de ces déchets problématiques à plus d’un titre.

C’était en 1957. Spoutnik-1 devenait le tout premier satellite artificiel en orbite autour de la Terre. Depuis lors, le nombre d’engins envoyés dans l’espace afin de tourner autour de notre planète n’a cessé d’augmenter, et de manière exponentielle pour ce qui est des dernières années.

Le rôle et l’importance des satellites ont suivi la même tendance. Difficile, aujourd’hui, de fonctionner sans eux en matière d’observation de la Terre, de prévisions météorologiques, de navigation, de télécommunication, de Défense…

Reste que si l’espace est vaste, les orbites terrestres sont limitées. « Selon des chiffres de l’ESA datant du 9 novembre 2021, on compterait 7.630 satellites en orbite, dont 60 % seraient encore opérationnels, explique une proposition de résolution initiée par le MR et prise en considération lors de la séance plénière du 17 décembre. Dans les prochaines années, ces totaux devraient encore augmenter, notamment via les projets Starlink et Oneweb, qui comptent lancer plus de quarante mille satellites. »

Ce trafic toujours plus intense se traduit par un risque sans cesse croissant de collisions entre objets spatiaux, créant subséquemment des débris qui constitueront par la suite des menaces potentielles pour les satellites actuels et futurs mais aussi, pour ne citer qu’un exemple emblématique, pour la Station Spatiale Internationale.

« Au printemps 2021, l’ESA estimait que se trouvaient alors en orbite environ 36.500 déchets de plus de 10 cm, 1 000 000 d’une taille comprise entre 1 et 10 cm et pas moins de 330.000.000 entre 1 mm et 1 cm, précise la proposition de résolution. Même lorsqu’il ne mesure « que » 1 mm, un débris peut provoquer des dégâts. Sa vitesse de déplacement (jusqu’à 56 000 km/h) n’y est évidemment pas étrangère. De quoi endommager des satellites ou encore des missions habitées. »

Des débris qui sont de diverses origines : dernier étage de lanceur resté en orbite, satellites obsolètes, petits équipements largués lors d’un déploiement de satellite, restes d’une explosion (batterie, réservoir de carburant…), etc.

La situation est alarmante, nul n’en disconviendra. Il y a toutefois des solutions qui permettraient de freiner voire d’annihiler cette augmentation de débris autour de la Terre. Diverses directives et normes internationales existent. Petit aperçu listé par l’Agence spatiale européenne (ESA) : – concevoir les lanceurs et les véhicules spatiaux pour qu’ils perdent le moins possible d’éléments – tant au décollage que pendant l’exploitation – suite aux conditions hostiles rencontrées dans l’espace; – prévenir les explosions en libérant l’énergie stockée, c’est-à-dire en passivant les véhicules en fin de vie; – mettre les missions terminées hors de portées des satellites opérationnels, soit en les désorbitant, soit en les envoyant vers une orbite cimetière; – éviter les collisions dans l’espace en choisissant avec soin ses orbites et en effectuant des manœuvres d’évitement de collision.

Des incitations qui sont de plus en plus régulièrement respectées ou suivies. Mais pas encore suffisamment. Régulièrement, les médias relatent des incidents survenus dans l’espace extra-atmosphérique avec des incidences directes (comme ces débris qui ont menacé l’ISS) ou à plus long terme.

Ces constatations sont à l’origine de la proposition de résolution initiée par le chef de groupe MR au Sénat Gaëtan Van Goidsenhoven (qui est également Président de la Plateforme Espace de la Haute Assemblée) et rapidement cosignée par ses coreligionnaires Alexander Miesen, Jean-Paul Wahl et Philippe Dodrimont. Un soutien a également été apporté par les groupes Open VLD, PS, Vooruit et CD&V.

Il est donc plus que temps de ralentir voire d’annihiler la production de déchets sur les orbites terrestres. Pour ce faire, la proposition de résolution demande donc aux différents gouvernements de ce pays :
1) de profiter de leurs contacts, bilatéraux ou non, avec d’autres États et institutions pour les conscientiser à la problématique des débris spatiaux et aboutir à une position volontariste la plus large possible ;
2) de profiter de leurs contacts, bilatéraux ou non, avec d’autres États pour les motiver à adopter des législations nationales idoines en matière d’immatriculation des objets spatiaux ;
3) de faire pression sur les États qui optent pour la destruction de leurs satellites pour qu’ils passent à l’acte de manière « propre », c’est-à-dire sans que cela ne génère de débris ;
4) de soutenir et renforcer la posture de sécurité face aux menaces cyber (cyber security) et aux perturbations volontaires des signaux Rf (signal security) afin d’assurer la securité de nos actifs spatiaux (infrastructures spatiales, vecteurs de communication et données) ;
5) de soutenir et renforcer le développement et la mise en œuvre des infrastructures de sécurité (Space Cyber Security) de l’ESA et donc de ses États membres au travers du déploiement sans précèdent de l’European Space Security and Education Centre à Redu (investissement dans la recherche et le développement, formation et développement industriel, sensibilisation) ;
6) de soutenir et encourager la recherche et le développement ainsi que le monde entrepreneurial qui œuvre dans le domaine spatial et, plus spécifiquement, dans la recherche de solutions technologiques permettant de lutter contre la prolifération ou la suppression des débris spatiaux mais encore de favoriser l’évitement de ces mêmes débris ;
7) de conscientiser les citoyens sur les problèmes inhérents aux débris spatiaux afin que s’accentue la pression populaire sur les États et institutions et que ceux-ci soient davantage enclins à prendre la problématique en main ;

Diverses demandes sont également adressées au gouvernement fédéral :
1) Oeuvrer avec la plus grande intensité au sein de l’Organisation des Nations unies (ONU) dans le but de faire respecter davantage les vingt-et-une lignes directrices du Comité des Nations unies pour les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique aux fins de la viabilité à long terme des activités spatiales et, a fortiori, celles en lien avec la problématique des débris spatiaux, ainsi que les lignes directrices d’atténuation des débris spatiaux éditées par l’Inter-Agency Space Debris Coordination Committee ;
2) Continuer à s’impliquer, notamment en matière de financement, au sein de l’Agence spatiale européenne (ESA, European Space Agency) afin de permettre aux entreprises belges actives dans le domaine spatial de bénéficier des nombreuses retombées générées par l’ESA ;
3) Mettre cette discussion à l’ordre du jour de l’Union européenne (UE) afin que l’Europe puisse définir une position commune et ainsi parler d’une seule voix sur le sujet ;
4) Faire adopter un cadre juridique et opérationnel visant à permettre une exploitation des ressources spatiales judicieuse, équilibrée et respectueuse de l’environnement, par différents acteurs et dans le respect des traités et principes de droit international, au Comité des Nations unies pour les utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique ;

Last but not least, les gouvernements communautaires sont également mis à contribution. Le texte leur propose de :
1) Promouvoir les études scientifiques au sens large (STIM, science, technologie, ingénierie et mathématiques) et, plus particulièrement, celles liées au domaine spatial et à la Space Cyber Security ;
2) Inciter les facultés et établissements potentiellement concernés par les matières spatiales à œuvrer dans la recherche de solutions vouées à la limitation ou la suppression des débris spatiaux.

A noter qu’il s’agit de la deuxième proposition de résolution en lien avec l’espace. Un premier texte se concentrait déjà sur l’importance de disposer d’un cadre juridique pour l’exploitation des ressources spatiales.